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Conditions de prêt immobilier

Pourquoi la proposition de loi sur la portabilité du prêt n’est pas une bonne idée ?

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Catherine
Mis à jour le 29 mai 2024
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Chez les députés Renaissance, les propositions de loi se multiplient pour tenter de relancer le marché immobilier. Dernière en date, celle de Damien Adam, qui milite pour que la portabilité d’un emprunt soit rendue obligatoire. On vous explique en quoi cela consiste et pourquoi il s’agit malheureusement d’une fausse bonne idée.

Imaginez un peu qu’à l’image de votre numéro de téléphone, que vous pouvez transférer d’un opérateur à l’autre afin d’économiser quelques euros sur votre forfait chaque mois, vous puissiez en faire de même de votre prêt immobilier, d’un achat à l’autre. Cela existe déjà et porte un nom, la transférabilité du prêt. Portée disparue depuis 2016, cette mesure - jusqu’ici à la discrétion des banques - a été remise sur le devant de la scène par le député de la majorité Damien Adam, qui milite pour qu’elle devienne obligatoire afin de fluidifier le marché immobilier.

La fausse bonne idée de la transférabilité

Mais en quoi cela consiste exactement ? On laisse le micro à Damien Adam, ou plutôt on cite sa proposition de loi déposée à l’Assemblée Nationale : “Afin d’agir contre le blocage du marché de l’immobilier et de simplifier les procédures, la solution soutenue par cette proposition de loi revient à généraliser la clause dite de “portabilité” du prêt immobilier. Aujourd’hui facultative, cette clause peut être introduite dans l’offre de prêt immobilier afin de permettre le maintien des conditions du prêt lors de l’achat d’un nouveau bien après la vente du précédent. Ainsi, la portabilité permettrait aux propriétaires qui souhaitent acquérir un nouveau bien de continuer à utiliser le crédit contracté lors de l’achat de leur propriété actuelle si c’est leur volonté, plutôt que de devoir en premier lieu rembourser leur crédit initial, puis en contracter un nouveau.

Dans la pratique, l’idée est simple : vous disposez déjà d’un crédit dans la banque Z. Vous aimeriez déménager et acheter plus grand ou ailleurs, mais les taux vous découragent. Grâce à cette mesure, vous pourriez transférer votre prêt - et les conditions négociées- sur un second achat. Nul besoin de clôturer votre prêt numéro un et de reprendre un crédit aux conditions actuelles (naturellement moins favorables qu’il y a quelques années).

Interrogez un Français déjà propriétaire qui rembourse son crédit au taux d’1,4 %. Peu de chance qu’il soit contre cette proposition. Et pour cause, il y a de sacrées économies à la clé, sur le montant total des intérêts bien entendu, mais aussi sur une éventuelle pénalité de remboursement anticipé (si cette clause n’a pas été préalablement négociée avant la signature de l’offre de prêt - par un courtier, par exemple).

Même si depuis le mois de janvier, les taux baissent à rythme régulier, on est loin d’égaler les conditions d’octroi que certains ont pu obtenir à l’époque où la Banque Centrale Européenne (BCE) pratiquait une extraordinaire politique de taux bas. Rien d’étonnant donc si certains, parmi les moins pressés, préfèrent repousser un peu leur projet de rachat.

Mais alors Pretto, si cette mesure semble positive, pourquoi vous n’y croyez pas ? Pour comprendre, il faut d’abord rappeler comment fonctionne un crédit immobilier.

Pour qu’une banque vous prête de l’argent pour votre achat, elle doit d’abord elle-même l’emprunter sur les marchés financiers. Pour cela, elle est soumise aux taux directeurs imposés par la Banque Centrale Européenne, qui comprennent un taux plafond (maximum) et plancher (minimum) - si vous voulez en savoir plus, on vous conseille cette petite vidéo. Et comme pour tous les acteurs du marché, professionnels comme particuliers, elle fait face actuellement à des taux plus élevés - l’effet guerre en Ukraine et inflation engendrés en 2022.
Avec la transférabilité du prêt, la banque emprunte de l’argent aux taux actuels du marché, mais vous lui remboursez au taux que vous aviez négocié avant la crise. Pas besoin d’être un pro des maths pour comprendre qu’elle a beaucoup à perdre dans l’histoire. Et comme pour toute entreprise, la banque n’a rien à gagner à vous prêter à perte - sauf si vous transférez en plus du prêt un portefeuille riche à millions, mais avouons-le, il y a peu de chance, même si on vous le souhaite.

Le gros risque, dès lors, c’est que pour se prémunir face à cet effet boomerang, les banques augmentent leurs taux d’intérêt, pour se renflouer. Ce qui aurait pour conséquence de désavantager tout le monde, ceux qui souhaitent racheter (les secundos accédants, dans le jargon) comme ceux qui n’ont pas encore pu accéder à la propriété (les primos). Et voilà comment, à partir d’une mesure “de bon sens” diraient certains, on court le risque d’empirer la situation.

Que faire alors ?

Ok pour la critique, mais alors, que proposez-vous pour relancer le marché et la production de crédit, pourraient nous apostropher certains. Aucune proposition simpliste tout droit tirée d’un chapeau ne viendra réenchanter la situation d’un coup de baguette magique, néanmoins, certains changements de paradigme pourraient aider.

Ce serait notamment le cas d’une révision du fameux plafond des 35 % d’endettement fixé par le Haut conseil de stabilité financière. Une proposition faite il y a peu par un autre député de la majorité, Lionel Causse, mais déboutée à la fois par la Banque de France et par l’Assemblée (et finalement retirée le 29 avril dernier). Dommage, quand on sait qu’aucune règle formelle n’est édictée pour les locataires. Et si on recommande généralement de gagner 3 fois le montant de son loyer, dans la plupart des grandes villes, ce dernier peut représenter jusqu’à 50 % des revenus.

Face à la pénurie de logements disponibles sur le marché locatif, il serait pourtant urgent d’encourager des mesures favorisant l’accès à la propriété pour les locataires. Comme l’allongement des durées de prêt, afin d’augmenter la capacité d’achat des Français.

La transférabilité débattue en septembre prochain

Interrogé par Challenges sur sa proposition (qui sera débattue en septembre à l’Assemblée Nationale) et sur ses échanges avec les établissements bancaires, le député Damien Adam a indiqué ne pas encore avoir eu l’occasion de s’entretenir avec eux. “Mais j’envisage de rencontrer les acteurs bancaires dans les prochaines semaines. (...) on peut s’attendre à une certaine réticence car cette mesure engendrerait pour eux des moins-values potentielles pour le futur. Il faut toutefois qu’elles se rendent compte que le marché immobilier est totalement saturé et que ça limite le nombre de crédits qu’elles octroient. Ainsi, si elles laissaient cette portabilité dans les contrats, les citoyens pourraient être amenés à faire des prêts complémentaires à ceux qu’ils ont déjà. Car s’ils achètent un bien un peu plus cher, il faut compléter le surcoût du nouveau logement avec un nouveau crédit complémentaire. C’est gagnant-gagnant. Les banques feront peut-être moins de revenus futurs, mais malgré tout plus de prêts si le marché de l’immobilier se relance, donc c’est dans leur intérêt.

La proposition, qui avait déjà été étudiée par le précédent ministre du logement Olivier Klein en 2022 (mais n’avait pas été soutenue par le gouvernement), pourrait-elle recevoir un meilleur accueil ? “Aujourd’hui, le ministre actuel, Guillaume Kasbarian, semble plus ouvert sur la question. Il y a quelques semaines, il avait semblé dire que l’idée était intéressante et qu’il fallait l’étudier même si le texte sera sûrement complété d’amendements d’ici septembre. Je reste optimiste pour la suite car cette mesure permettrait d’obtenir des résultats sur le court terme et ne coûterait rien pour les finances publiques.
Portabilité des prêts : Pretto doute, la Fédération bancaire aussi
La proposition du député Damien Adam ne fait pas des émules auprès des banques. Dans un communiqué dévoilé le mardi 28 mai, La Fédération bancaire française (FBF) met en garde contre les risques. "Depuis quelques temps circulent les idées de portabilité et de transférabilité des prêts, qui ne sont pas nouvelles, et comportent plus d’inconvénients que d’avantages au-delà de la lourdeur et complexité particulières de leur éventuelle mise en place. Elles pourraient surtout remettre en cause ce que sont les atouts protecteurs pour les ménages du modèle français de financement du logement contraire à l’objectif recherché." Cela pourrait signer la fin des taux fixes, une particularité des prêts français (ailleurs en Europe, les taux variables sont légion) qui offre une sécurité indéniable aux acquéreurs de l'Hexagone.
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