Comment aider les ménages exclus à revenir sur le marché en 2022 ?
Cette année, en raison de la hausse rapide des taux et des mesures protectrices du crédit immobilier, 220 000 ménages sont exclus du marché. Chez Pretto, nous sommes convaincus que l’immobilier doit retrouver son rôle social. C’est pourquoi nous faisons 2 propositions afin d’aider ces emprunteurs à retrouver leur pouvoir d’achat.
- Notre statut de plateforme d’intermédiation à fort volume entre les emprunteurs et les banques, nous offre un poste d’observation idéal et une batterie d’indicateurs avancés sur le marché du crédit immobilier.
- La situation de hausse de taux est inédite, et ce contexte nous a amené à analyser spécifiquement les impacts sur l’accès au crédit.
- A cette hausse s’ajoutent des contraintes réglementaires inédites, qui prennent en tenaille les emprunteurs, notamment les plus modestes qui sont de plus en plus nombreux à être exclus du financement de leur projet immobilier.
- Près de 60 000 dossiers n’auraient plus été finançables car dépassant le taux d’usure;
- Près de 160 000 dossiers n’auraient plus été finançables en l’état car dépassant le taux d’endettement maximum de 35%.
Cette exclusion touche avant tout les ménages les plus modestes (30% des ménages aux revenus inférieurs à 3 000€, contre 13% pour les ménages aux revenus > 5 000€).
Nous estimons que cette forte dégradation constitue aujourd’hui un problème économique et sociétal majeur.
C’est en donc une véritable « alerte » que nous lançons aujourd’hui. Mais pas seulement. Nous voulons aussi proposer des pistes d’évolution réglementaires pragmatiques et efficaces pour ne pas aggraver davantage la « fracture immobilière » et préserver l’utilité sociale du crédit.
Redonner au crédit immobilier son rôle social
La combinaison du taux d’usure et du taux d’endettement ont un double effet :
- L’accession à la propriété, qui permet de se constituer un patrimoine, est rendue impossible pour de nombreux ménages modestes, jusque là très solvables;
- De plus nombreux ménages sont condamnés à rester locataires, donc à assumer une charge croissante pour se loger : à l’inverse, l’accès à la propriété à taux fixe, permet de figer le coût de logement, bouclier puissant contre l’inflation.
Les conséquences inéluctables de l’étau qui se resserre sur la production de crédit ne semblent pas prises en compte. Nous considérons que la situation inédite que nous connaissons appelle à plus d’anticipation. Nous tirons donc la sonnette d’alarme, d’autant que ces effets sont amenés à s’intensifier.
Proposition n°1 : Modifier la méthodologie de calcul du taux d’usure afin de le rendre plus proche de la réalité du marché et lui permettre de mieux protéger le consommateur contre les risques réels du crédit
Le caractère usuraire d’un crédit devrait plus logiquement dépendre de l’écart entre le taux de celui-ci et le taux moyen pratiqué : si cet écart est trop important, cela signifie que le profil de l’emprunteur fait partie des plus risqués par rapport au profil moyen. Mais alors que l’OAT à 10 ans, considéré comme le tau du risque minimal, a dépassé les 2%, considérer qu’on ne pourrait pas prêter à un particulier au-delà de 2,4% de TAEG semble dénué de toute rationalité économique.
Ainsi, nous considérons que le taux d’usure ne doit plus être calculé sur une base trimestrielle, mais mensuelle, avec une évolution sur la base de calcul et la plage de financement permise.
- Le contexte inflationniste sera pris en considération plus rapidement et le décalage temporel entre les taux pratiqués et le taux d’usure sera réduit.
- Enfin, le cercle vicieux lié à l’exclusion des moins bons profils sera limité.
Il faudra ajouter à ce calcul une valeur fixe en points de base, 1 ou 2% : l’écart a été porté de 25% à 33% autour de 1990, à une époque où les taux étaient proches de 10%, soit une marge d’usure de 3 points ! (vs. une marge de 0,64 points actuellement).
Proposition n°2 : Autoriser une augmentation du taux d’endettement maximal au delà de 35% pour le financement de travaux d’efficacité énergétique ou l’achat d’un bien à forte efficacité énergétique
La rénovation énergétique devient un véritable enjeu pour le logement. Rénover son logement, c’est aussi réaliser des économies sur le long terme et valoriser son patrimoine.
Pour des dossiers atteignant d’ores et déjà le plafond de 35%, une augmentation à 38% permettrait d’emprunter jusqu’à 8% supplémentaires, soit pour un montant moyen emprunté de 200 000€ un budget travaux de 16 000€.
Ce budget permettrait par exemple - avant toute aide - de réaliser l’une des opérations suivantes :
- Réaliser l’isolation des combles, qui permet d’économiser jusqu’à 30% d’une facture de chauffage.
- Installer une pompe à chaleur, qui peut générer jusqu’à 1000€ d’économies d’énergie par an.
La question de la facture énergétique est par ailleurs elle aussi foncièrement inégalitaire : sachant que les dépenses moyennes liées au chauffage représentaient 1684€ par ménage en 2020, avec une forte disparité (2108€ pour le chauffage au fioul, 1147€ pour le chauffage au bois), la facture annuelle représente donc plus d’un mois de salaire au niveau du SMIC, soit près de 10%, versus quelques % pour les ménages plus aisés.
En empruntant davantage (à taux fixe bas sur durée longue) pour financer des travaux de rénovation énergétique, des économies sur la facture de l’ordre de 30% permettraient donc de libérer 3 points de revenu disponible supplémentaires pour les ménages les plus modestes qui consacrent aujourd’hui près de 10% à leur chauffage, limitant donc le risque généré par un endettement supplémentaire jusqu’à 38%.
Cet effet positif sur le reste à charge est par ailleurs d’autant plus important dans le contexte actuel où les prix de l’énergie se sont envolés sur les derniers mois.
Les prix du gaz ont augmenté de plus de 40% entre juin 2021 et octobre 2021, date du gel des tarifs. Sans cette mesure, les tarifs auraient par la suite continué à augmenter encore davantage, de plus de 50% jusqu’à juin 2022 d’après les estimations du gouvernement.
Ces propositions permettraient de fluidifier l’accès au crédit et de revenir à de neutraliser une partie de l’éviction que nous constatons, sans risquer une surchauffe du marché, naturellement tempéré par la hausse naturelle des taux. Pour autant, cela se ferait sans créer de risque supplémentaire ni pour les consommateurs, ni pour le système financier dans son ensemble. S’il nous semble du devoir de la puissance publique d’anticiper l’impact important qu’un statu quo aurait sur le pouvoir d’achat des ménages et sur l’économie française liée à l’immobilier, il est du nôtre d’apporter des éléments factuels à ce débat ainsi que des propositions concrètes.